Nous ne sommes pas nos comportements.
Nous ne sommes pas nos erreurs.
Par conséquent nous ne sommes pas non plus nos réussites.
En tant que consultants, coachs, formateurs ou tout autre professionnel dans une relation d’aide, nous ne sommes donc pas plus les erreurs que les réussites de nos clients.
Auto-satisfaction
Il est bien tentant de s’attribuer les réussites de ceux que nous « guidons ». C’est tentant pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, parce qu’en tant que professionnels parfaitement humains donc imparfaits, nous traversons tous à certains moments des crises de légitimité, bien naturelles et mêmes salvatrices. La remise en question nourrit l’humilité et la progression.
Oui, parfois on se demande si on est vraiment légitime dans ce que l’on fait et dans ce que nous apportons parce qu’on le vend. Est-on vraiment à sa place ? Est-ce que cela a du sens ? Sommes-nous dignes des personnes qui mettent tant d’espoirs en nous ? En a-t-on le droit ? Sommes-nous vraiment à la hauteur ?
C’est une pensée noble qui traduit une posture d’intégrité, mais exprime aussi nos propres fragilités. Il arrive que les responsabilités qu’on pense être les nôtres, pèsent trop lourdement sur nos épaules.
Parfois le doute est tel, qu’on pourrait aller jusqu’à remettre en question notre activité …
Alors quand ceux aux côtés desquels nous cheminons pour les aiguiller vivent des résultats tant convoités, quand ils nous remercient avec ferveur en nous accordant la « paternité » de leurs réussites, cela nous donne de l’énergie et de l’espoir : nous sommes encouragés à poursuivre !
C’est tentant parce que les talents, que nous exerçons par définition de manière naturelle, sont invisibles à nos yeux. Ils ont peu de valeur donc peu de force face aux doutes qui les encerclent d’autant plus facilement pour les étouffer. Nous avons besoin du regard des autres pour nourrir notre propre conscience de notre espace de brillance. Ce sont les autres et donc nos clients qui nous révèlent notre valeur.
Par ailleurs, c’est tentant parce que c’est vendeur ! Rien de tel qu’un témoignage d’une personne « sauvée » grâce à nos soins …
Régulièrement nous voyons fleurir sur les sites ou les réseaux sociaux de professionnels le partage de l’éternelle gratitude que des clients expriment oralement ou par écrit. Je ne m’exclue bien évidemment pas de cette pratique, j’ai déjà publié des prouesses de clients dont j’étais fière … mais j’ai toujours « refusé » une reconnaissance quand elle me paraissait démesurée et déplacée (même si j’ai moi aussi besoin de reconnaissance). A chaque fois qu’on me dit « heureusement que tu as été sur ma route », je réponds « c’est toi qui a décidé de faire un pas vers moi et de travailler avec moi. C’est toi qui t’es donné les moyens et qui a travaillé dur pour arriver là où tu en es aujourd’hui ». Isabelle tient exactement le même discours lors de nos formations : nous ne pouvons rien faire seules.
Nous ne portons pas nos clients

Cheminer côte à côte en équilibre
Non, nous ne sauvons pas nos clients, nous ne les portons pas plus sur nos épaules. Or très souvent, c’est pourtant ce qu’on attend de nous : faire des miracles, tout arranger pourvu que le client s’acquitte de sa dette financière, il aura fait sa partie du job ! A nous de le porter jusqu’en haut de la montagne. Cela m’est arrivé évidemment et c’est épuisant, bien trop pour une « simple » personne ! Mais quand cela arrive, n’en sommes-nous pas responsables en partie ? Certainement que si et notamment en s’attribuant les lauriers de réussites éblouissantes. Il faut dire aussi qu’il n’est pas rare que l’élève dépasse le maître … Cela demande beaucoup d’humilité, de force et de sagesse pour l’accepter.
Or cette attitude de sauveur n’est pas saine, c’est d’une évidence telle ! Evidemment que notre place est de rester à notre place. Pour notre bien et pour celui des personnes que nous accompagnons.
Rendre responsable donc autonome
La responsabilité est essentielle aux progrès et à l’autonomie. Notre travail n’est-il pas de rendre autonome nos clients et non dépendants de nos services ? Bien sûr ! C’est en les rendant responsables de leur cheminement qu’on favorise leurs progrès de manière continue et durable. Nous oeuvrons au savoir-faire et au savoir-être au-delà du savoir. Pourquoi cela ? Parce que nous n’avons pas de recettes miracles, la science infuse ou une expérience « supérieure » qui s’imposerait en modèle d’exemplarité.
Tout au plus nous sommes un peu plus loin sur la même route. Tout au plus car je suis en train d’apprendre qu’il est tout à fait possible d’aider quelqu’un à progresser ou à exceller dans son domaine sans avoir à en posséder soi-même une quelconque maîtrise.
Nous ne sommes pas les réussites de nos clients
Il nous est généralement évident que nous ne sommes pas responsables des échecs de ceux que nous aidons. Nous savons très bien prôner la nécessité de leur implication et de leur engagement personnel pour que notre coopération donne des résultats. Nous ne saurions décider et agir à leur place.
Alors admettons en toute logique, qu’ils sont également les seuls responsables de leurs progrès et de leurs réussites. Les réussites de nos clients n’appartiennent qu’à eux seuls !
Evidemment, il est naturel d’éprouver de la fierté quand nos clients réussissent mais le seul mérite des résultats de nos clients leur revient à eux et à eux seuls. Nous les avons impulsés, motivés, aidés, nous y avons peut-être apporté une contribution essentielle, c’est tout et c’est déjà beaucoup. Nos clients en étant seuls responsables de leurs choix et de leurs actes en sont les acteurs principaux.
Nous devrions leur faire honneur et non l’inverse.
Bonjour Cécile
Merci pour cette mise en mots. L’abnégation que demande le métier d’accompagnant est totale pour laisser le client maître de ses choix et respons-able surtout, en toute conscience. Le seul plaisir réside dans leurs yeux brillants lors des prises de conscience, leur joie d’avancer, d’oser, de se dépasser et d’apprendre à se réaliser, enfin, de manière autonome.
Merci Cécile pour ce texte. En le lisant, j’ai pensé à mes clients que j’accompagne dans leur choix pour leur aménagement intérieur, et j’ai fait le parallèle avec ce que tu dis. Quand ils trouvent par eux-mêmes ce dont ils ont besoin, en s’appuyant sur ce que nous avons fait ensemble avant, je trouve cela génial ! Et en même temps cela me permet de voir les choses différemment sur mon activité… A creuser ! Merci Cécile ! PS: j’aime beaucoup la photo des filles sur les rails, elle appuie parfaitement ton propos et démontre ce qu’est l’équilibre nécessaire pour… Lire la suite »
Entièrement d’accord avec toi Cécile. Accompagner c’est rester neutre et humble même si nous passons par ce « savoureux » passage de la forme de reconnaissance qui nous est nécessaire pour aussi grandir. C’est un échange car nous renvoyons aussi à nos clients ce qui va les nourrir pour avancer et rayonner. Ces signes de reconnaissance sont à accueillir dans un sens comme dans l’autre, ils nourrissent l’estime de soi et construisent aussi la confiance sur laquelle on peut s’appuyer et qui, jusque là pouvait être inexistante. Il y a aujourd’hui, trop peu de signes de reconnaissance qui vont dans un sens… Lire la suite »
Cécile, quelle humilité, quelle superbe analyse du rôle de l’accompagnant ! Je prendrai le temps de le relire, de le déguster… Un changement de point de vue et d’angle qui ouvre sur de nombreuses réflexions.
Merci !
Voilà un texte qui fera date. L’action est de notre fait, l’aidant est le déclencheur. La rencontre des deux nous nourrit, je pense, l’un l’autre. Merci pour ce texte.