J’aimerais revenir sur mon parcours professionnel : non qu’il soit un modèle du genre mais je me rends compte qu’il devient une certaine « norme » pour un profil atypique. Or, pour ma part, je ne le préconiserais pas/plus forcément.

place professionnelle profil atypique

© Cécile Bonnet

Je partage avec vous ma réflexion sur la place professionnelle des profils atypiques (notamment les Hauts Potentiels Intellectuels, doués, ou encore zèbres, terme avec lequel je suis personnellement plus à l’aise) nourrie de mon expérience et de mon recul (= cogitations et connexions diverses cérébrales).

Avoir un profil atypique dans le monde professionnel

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Crédits photo : Nadine Court

Au fur et à mesure de mes différentes expériences professionnelles et des difficultés rencontrées (lassitude, ennui, problème de positionnement, décalage entre la perception de mes « ambitions » et mes réelles motivations, difficultés relationnelles, manque de sens, etc), j’ai longtemps cru que le « problème c’était moi ».

Malgré des remises en question personnelles et une mise en sourdine de ma nature, je n’ai pas réussi à me changer et mes difficultés sont restées et plus je cherchais à à les combattre, plus elles se renforçaient.

Les reproches faits à la salariée

Mis bout à bout ce que je percevais comme anecdotique (ou plutôt tentais de me convaincre que ça l’était) a fini par m’atteindre profondément dans mon estime de moi.

J’entendais explicitement ou implicitement (et c’est une partie du problème) les mêmes reproches : trop entière, j’étais l’empêcheuse de tourner en rond, trop sûre de moi (ça agace fortement), cherchant à écraser les autres, cherchant à avoir toujours raison (et ayant souvent raison en plus), posant trop de questions (inutiles), l’exigeante ou l’intransigeante, la pointilleuse, la râleuse, la farfelue, l’utopiste (comme j’ai pu l’entendre celui-là) et j’en passe.

Je me sentais le vilain petit canard alors que mes intentions n’étaient tournées que vers le bien collectif et d’autrui, vers l’amélioration (mais « pourquoi changer ce qui fonctionne déjà ? »). Je montrais du respect à ma hiérarchie dans la forme uniquement si je pouvais le faire dans le fond (ce qui a rarement été le cas). Je ne trouvais pas ma place, je ressentais une injustice grandissante, un fossé qui creusait un manque de reconnaissance et une frustration immense.

Comme je n’arrivais pas à cacher ce que je pensais et ressentais, que j’arrivais très difficilement à mentir, que je mettais peu ou pas les « formes », que je disais tout haut ce que les autres pensaient tout bas (ou ne pensaient pas encore) mais « ne se dit pas », à chaque fois que j’ouvrais la bouche je ressentais le malaise que je créais. Je voyais les yeux ronds, lisais les incompréhensions, ressentais les exaspérations.

Puis j’ai quitté le salariat et j’ai (re)commencé à respirer.

Crédits photo : Julie [LR] Photographie

Les louanges faites à l’entrepreneur

Quand j’ai commencé à accompagner des entrepreneurs dans le développement de leurs activités et que j’ai animé des conférences, des ateliers puis plus tard écrit sur ce blog, n’ayant plus de « cadre » hiérarchique ni  de collègues, je n’ai pas pu réfréner la personne que j’étais, je l’ai plutôt libérée même. Mon sens de la provocation, ma franchise, mon côté cash sont devenus ma singularité et j’attirais à moi les personnes qui l’appréciaient, voire la recherchaient sans même en être vraiment conscientes. J’en faisais fuir tout autant et c’était très bien ainsi, au moins je n’avais à vivre avec.

© Cécile Bonnet

Et chose très troublante pour moi : ceux qui étaient en contact avec moi, mes clients, mes lecteurs, me remerciaient exactement pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles on me faisait des reproches « dans ma vie d’avant »  : ma façon de questionner, de creuser, de remettre en question, mon sens du détail, mon exigence, ma générosité, ma créativité, mon originalité, mes idées, mon impertinence, mon honnêteté.

Pour moi c’était difficilement compréhensible et alors j’ai eu un déclic.

J’ai réalisé que « je n’étais pas le problème » : le problème c’était le contexte dans lequel j’étais avant et qui ne me correspondait pas. Tout pouvait alors changer sans que j’aie besoin de me changer moi  !!

Je me suis sentie enfin à ma place, dans mon élément. J’éprouvais une totale liberté d’être et de faire, et plus j’étais libre et exprimais ma créativité, plus je me sentais en expansion comme l’était mon business.

Je peux le dire : en quittant le salariat, j’ai sauvé ma peau et en embrassant l’entrepreneuriat j’ai appris, compris et aimé qui j’étais vraiment.

Pour autant …

L’entrepreneuriat : la voie royale du profil atypique ?

Très souvent, je lis ici ou là que le meilleur moyen pour un profil atypique de s’épanouir dans sa vie professionnelle est de devenir indépendant, de sortir du système pour faire selon ses propres codes. C’est vrai que l’entrepreneuriat permet la liberté, l’expression de soi : il a été un chemin vers moi-même que je ne regrette pas.

Mais aujourd’hui et après 7 années « actives » à mon compte en « solo », je ne considère pas l’entrepreneuriat comme LA solution, en tout cas pour le type d’entrepreneuriat que je connaisse … Je déplore même qu’il n’y ait pas vraiment d’autres voies d’épanouissement professionnel pour un profil atypique.

Voici pourquoi en quelques mots.

1- La solitude de l’entrepreneur

© Cécile Bonnet

L’entrepreneur, même s’il fait partie d’un réseau de pairs, même s’il est accompagné, épaulé (par des prestataires par exemple), entouré (d’une équipe) reste seul aux commandes de son business (je ne peux pas me prononcer pour le cas où un ou plusieurs associés sont présents).

Cette solitude « reposante » et même nécessaire au départ, est devenue, me concernant, une source de découragement et de lourdeur en terme de responsabilité et de créativité. Manque de motivation, d’émulation, de partage.

Même si la diversité des tâches est plaisante à découvrir en tant que multi potentielle, certaines m’ont lassée (et oui nous y échappons jamais vraiment) et sont devenues répétitives et énergivores.

2- Le manque d’argent

© Cécile Bonnet

Soyons honnête : l’entrepreneuriat ne garantit ni le niveau, ni la régularité de revenu du salariat (sans parler de 

droits et de protection sociale par exemple). La plupart des entrepreneurs que je connais ont perdu en niveau de salaire mais ils ne vous le diront pas parce qu’ils ont tellement gagné en liberté et en sens que cela ne les affecte pas ! Cela a été mon cas aussi …

Cependant, tout le monde n’a pas les « moyens » d’être entrepreneur : nous pouvons vivre une étape de notre vie où nous avons besoin de compter avec un salaire régulier ou avec de la disponibilité (mentale ou en temps). L’entrepreneuriat n’est pas une solution universelle pour tous selon notre contexte.

3- Le besoin d’inclusion

J’ai récemment compris que l’épanouissement d’un profil atypique passe par son inclusion or il m’apparaît, d’après les points précédemment évoqués, que l’entrepreneuriat reste une solution d’exclusion, donc insatisfaisante à long terme (ce que je confirme pour moi).

4- Le besoin de se renouveler, l’énergie, 

Et puis il y a la routine malgré tout : une fois l’activité en place, on continue d’apprendre mais moins, une fois l’offre calée, nous ressentons aussitôt l’appel du renouveau avec le risque de « perdre » sa clientèle qui ne comprend plus ce que nous vendons, l’offre devient complexe (comme nous) et nous étouffe.

La place professionnelle du profil atypique ne peut pas se limiter à l’entrepreneuriat. Et heureusement car il est difficile de concevoir un monde sans entreprises et des entreprises sans profils atypiques ! La question qui se pose alors c’est : que faudrait-il pour que le profil atypique s’épanouisse en entreprise ?

Les atouts du HPI en entreprise

Le HPI présente plusieurs qualités recherchées par les entreprises, beaucoup même.

En voici un aperçu : 

  • il apprend vite, il a donc d’excellentes capacités d’adaptation,
  • il est curieux, s’intéresse à beaucoup de domaines et aime « faire bouger les lignes », il est un excellent catalyseur de progrès,
  • en questionnant les pratiques et le sens il permet à chacun de s’améliorer, de se remobiliser,
  • il fait preuve d’une grande loyauté : le pouvoir ne l’intéresse pas, il ne cherchera généralement pas son profit personnel mais s’investira à 200% dans ce qui a du sens pour lui, on peut lui faire confiance,
  • il est créatif et enthousiaste : il sait fédérer autour d’idées qu’il sait argumenter avec perspicacité,
  • il voit « en dehors du cadre » et aime ça, il a souvent « un temps d’avance » et insuffle du renouveau,
  • son réalisme lui donne de la tempérance en même temps qu’il voit les possibilités, il est pertinent et fiable.

Les contreparties nécessaires

Crédits photo : Julie [LR] Photographie

Si beaucoup d’entreprises et de dirigeants semblent reconnaitre les qualités d’une personne présentant un profil atypique (et les rechercher !), il m’apparaît, au travers des échanges que j’ai pu avoir ou des témoignages que j’ai pu lire, que la relation professionnelle ne peut être « durable » que si elle est équilibrée. En contrepartie, l’entreprise doit pouvoir notamment satisfaire aux besoins « fondamentaux » des personnes HPI, dont le besoin d’autonomie, de variété et de renouvellement, de sens

L’autonomie

Le profil atypique est « hors norme », il a toujours eu l’habitude se « débrouiller », de se fier à lui seul, de se faire confiance. Non seulement il est autonome mais il a besoin de cette autonomie. Si l’entreprise cherche à lui imposer une manière de faire, cela risque de mener à une voie sans issue. Le HPI fait preuve de « maturité » et de sens des « responsabilités » : il y a été confrontés depuis toujours, s’en est accommodés et les recherchent (c’est devenu sa « zone de confort »).

Si son manager ne lui fait pas « confiance » (c’est comme cela que ce sera vécu) en le contrôlant et en lui dictant la manière de procéder, le HPI sera face à un paradoxe insoluble : contenter sa hiérarchie et respecter son mode de fonctionnement pour « réussir », car sans cela, c’est l’échec assuré (demandez à un poisson de monter à un arbre …).

Plus il y aura d’autonomie accordée au HPI, plus ce sera une chance de laisser ses richesses s’exprimer et s’épanouir.

Autonomie ne veut pas dire « liberté totale » : comme pour tout un chacun, il est bénéfique de poser un cadre et de donner des repères.

La variété

Le « bore-out » est le mal des personnes qui apprennent vite et ont soif de nouveauté: ils se lassent et passent à autre chose (ou en ont besoin !). Il faut pouvoir offrir du renouvellement, en termes de missions, de projets ou même de postes, sinon le HPI ira chercher la variété ailleurs pour sauver sa peau de l’ennui « mortel ». Je suis certaine que vous avez déjà vu ce type de CV, long comme le bras et qui ressemble au parcours d’un « couteau suisse ». Malheureusement, ce CV est généralement perçu négativement comme celui d’une personne « instable ». Les mentalités évoluent (heureusement) mais la constance, la « durée » et la « linéarité » sont encore les références du monde professionnel.

La fonction RH, doit pouvoir prendre en compte et favoriser des parcours « atypiques » en interne, des évolutions « transversales » et des postes de généralistes.

Les missions courtes

Un jour j’ai écrit sur un réseau social que j’avais « un cycle d’intérêt très court ». Je peux m’enflammer pour un projet, m’enthousiasmer pour un domaine et puis devenir quasi « indifférente » du jour au lendemain. Je ne le vivais pas très bien, je culpabilisais aussi. J’ai été surprise des commentaires reçus : « haha ! J’adore, moi aussi ! ». Non seulement je n’étais pas seule mais il n’y avait pas de problème finalement et aucune raison réelle de me sentir honteuse.

Pourquoi ne pas « profiter » de cette énergie débordante des « débuts », de cette capacité à enthousiasmer les autres, de cette mise en élan, en mouvement ? Nous pouvons soulever des montagnes et embarquer les autres dans cette folie !

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© Cécile Bonnet

J’ai toujours adoré la phase de création et de lancement d’un projet (parfois très ambitieux et très chronophage) mais j’ai toujours détester les gérer ensuite. Et si nous étions d’excellents « chauffeurs de salle », des architectes de projets, des créateurs nés ? Sachant qu’il existe des personnes qui excellent (et aiment) gérer, suivre, « faire tourner » : ne vaut-il pas mieux bénéficier de l’excellence plutôt que de se « satisfaire » d’un « seulement » bon sur tout le processus ?

Le sens

Le sens est un carburant vital pour le HPI. Ne pas donner de sens à une activité c’est comme lui enlever son âme donc sa raison d’être pour le HPI.

Le sens fédère, mobilise, motive, nourri … loin, surtout le profil atypique qui questionne la logique, le but, l’essence de ce qu’il fait. Pour les entreprises en voici un bon « exercice » au profit de tous, pas seulement de ceux qui ont besoin de sens pour continuer à engager leur énergie et tout leur être dans une tâche. Cela peut paraître exagéré, il n’en est rien : l’entreprise ne devrait pas sous-estimer le sens dans sa façon de conduire et de manager ses équipes, encore moins ses profils atypiques. Mais attention, le sens ne s’invente pas sur un mensonge : aucun résultat possible avec un « sens » bancal, non « incarné », fabriqué pour « plaire » au HPI et le mobiliser, comme une recette « magique ». Le HPI débusquera très vite la supercherie, il l’aura senti avec son instinct avant même de la comprendre avec sa tête.

Nous sommes sans doute encore loin de cet « équilibre » dans les entreprises. Mais un bon début ne serait-il pas : une ouverture des entreprises à la différence et une expression (claire) par les profils atypiques de leurs besoins ?

Certains droits réservés par tangi_bertin

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